Les relations de la presqu'île
guérandaise avec l'Amérique
septentrionale.
D'après l'Histoire de la pêche
à la Morue dans l'Amérique septentrionale. Ch. de la Morandière
- G.P. Masionneuve et Larose - 1962-
La morue
fut très abondante dans la Manche. Elle faisait l'objet d'un
commerce très considérable mais elle disparut progressivement,
lentement victime de sa voracité qui lui faisait se précipiter
sur tous les hapâts.
De hardis
marins suivirent sa régression et génération après
génération, s'approchèrent des côtes de Terre-
Neuve. La morue n'aurait-elle pas servi de poisson pilote aux explorateurs
?
De quelles façons Le Croisic, Pornic et Bourneuf maintinrent
cette pêche traditionnelle au 16 et 17e siècles ?
En 1517, la
Marie du Croisic décharge sa morue à Bordeaux. Nous retrouvons
ce bâteau à la Rochelle en 1583.
Les registres
de la Prévoté de Nantes de 1554 et 1557 nous apprennent
que Le Croisic poursuivit son armement morutier , ses barques amenaient
fréquemment à Nantes par petites quantités des
morues vertes et sèches. D'après
les Archives municipales de Nantes (1), en 1565, Le Croisic envoyait
25 navires à Terre-Neuve. Audierne,
Brest, Penmarch virent péricliter leur armement au profit du
Croisic et de la région nantaise qui, mieux pourvue en capitaux,
prit dans la côte atlantique, une place prépondérante.
Les armements
terreneuvriers faits à Nantes, Le Croisic, Bourneuf, Saint-Gilles,
Pornic et le Pouliguen étaient regroupés sous le nom de
Nantes. La plupart de ces armements étaient faits avec l'argent
des négociants nantais et s'approvisionnaient en sel de Guérande.
Il y avait un lien étroit entre ces divers petits ports, le pays
blanc et le grand port de l'embouchure de la Loire.
La table récapitulative
contenant le nombre des vaisseaux appartenant au sujet du Roy établie
en l'année 1664 donne le nombre de 34 terreneuvriers armés
pour cette région (2) : 1 La Bernerie, 4 Bourneuf, 6 Au Croisic
(dont la Catherine de 200 tx, 1 à Méan, 6 à Nantes,
4 à Saint-Nazaire, 9 à Pornic, 1 au Pouliguen, 2 à
Saint- Gille).
Monseigneur
Phélipeaux fit le tour des côtes de France en 1694, voici
ce qu'il dit de notre région :
"La pesche à
la Morue verte qui se fait sur le grand banc est là considérable.
Elle se fait jusqu'à trois fois l'année scavoir en février,
en juin et en septembre, mais il est rare qu'un mesme bastiment puisse
faire trois voyages. Cependant, des qu'ils peuvent en faire deux, et
que la pesche est bonne, il s'y fait un fort grand profit et il n'y
a pas de commerce qui convienne mieux à la ville de Nantes.
Ce
qui fait que ce commerce lui convient, c'est qu'ils ne sont pas plus
tot dehors qu'ils sont, pour ainsi dire, sur le Grand Banc et qu'ils
ont chez eux le sel au lieu que ceux de Saint-Malo, Granville, Honfleur,
Le Havre et Dieppe, qui sont addonnés cy-devant à ceste
pesche, ne peuvent pas faire un voyage contre les autres deux, surtout
en temps de guerre ayant à traverser la Manche, et estant obligé
par la suite de venir faire un séjour à Brouage ou dans
les rades de la Rochelle pour prendre le sel dont ils ont besoin".
L'importance
de la pêche à la Morue pour Le Croisic se remarque aussi
par la copie des pièces concernant "l'Arrest de la Cour
au Parlement de Bretagne donné sur la requête à
nous présentée par les nobles bourgeois de la ville de
Saint-Malo sur les règlements des havres et gallays aux parties
de Terre-Neuve" (3).Les
guerres avec l'Angleterre, puis la révocation de l'Edit de Nantes,
en 1685, en obligeant les armateurs calvinistes à émigrer,
vont porter un coup très dur à cette activité dans
la région nantaise. Les négociants nantais abandonneront
progressivement la morue pour le trafic avec les Antilles, et aussi
le trafic avec la Guinée, c'est-à-dire la traite Des
établissements sédentaires s'installeront en Acadie et
ainsi le 17e siècle vit la concentration de cette activité
vers quelques ports bien équipés et les nouvelles colonies
d'Amérique.
Après
la perte de l'Acadie, puis de l'Ile Royale et, provisoirement, de Saint-Pierre
et Miquelon, quelques Acadiens s'installeront dans la Presqu'île
guérandaise et continueront de fréquenter le Grand Banc.
(4). Des vestiges
de cette activité demeureraient, notamment les restes d'un séchoir
à morues, dans une propriété de la Haute Grande
Rue au Croisic.
(1) - E.E. 223 - Lettre du 30-08-1565.
(2) - B.N. Cinq Cents Colbert, 199, f° 343 et suivant. Ce texte
a été découvert et publié exhaustivement
par Léon Maître,
dans les Anales de Bretagne
R XVIII, années 1902-1903, tome 1 p. 87.
(3) - E38/BB 4 f° 9-19 p. 390.
(4) - Rôles de Terreneuviers
armés au Croisic ou à Nantes, dont certains ont des
capitaines ou membres d'équipage acadiens.
et récit d'un
"Coup de Tabac en 1818 sur la
Pauline, de retour du Grand Banc vers Le Pouliguen."
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