Coup de tabac en 1818 sur "La Pauline", capitaine Théodore Sire.

A voir le récit ci-dessus, l'on dispose de faits précis montrant ce que chacun sait depuis longtemps, c'est que cette pêche à Terre-Neuve et à St Pierre et Miquelon était bien dure et loin d'être exempte de dangers. Le rapport, inédit, d'un capitaine (ici Théodore SIRE, natif de Miquelon et resté au Pouliguen, près de Nantes, après 1816), celui du brigantin "La Pauline" en est un autre exemple.

"Nous, soussignés, Capitaine, officiers et marins du Brick "La Pauline" de Nantes, certifions que le 14 octobre 1818, du quart de huit heures à midi, étant par la latitude nord de 47°-19'-32" estimée et par la longitude de 37°-13'-36" ouest du méridien de Paris, grand vent, la mer très grosse, le temps à grains du nord au N.O., fuyant sur la misaine et le grand hunier au bas ris, à midi moins quelques minutes, reçu par bâbord un coup épouvantable de mer qui a pris le navire de l'avant à l'arrière. Cette lame venant de nord s'est levée très près du navire de manière qu'il a été impossible de l'éviter et malgré la barre que l'on a mis toute à bâbord le navire est venu en travers et à engagé. Il a fallu carguer de suite le grand hunier pour qu'il arrive. Les écoutillons de tribord étants ouverts pour faire monter le quart, il a tombé dans l'entrepont une quantité considérable d'eau pendant tout le temps que le navire a été engagé ce qui donne des inquiétudes pour le chargement. Les pavois de bâbord et de tribord ont étés défoncés, notre chaloupe a été soulevée de dessus ses timons et défoncée en deux endroits, notre portemanteau, la partie de l'arrière à été enlevé. A l'appel du quart après le coup de mer, on s'est aperçu que les nommés Le Huédé (JeanMarie), novice et Berthaud (Jean-Baptiste), mousse passager provenant de "La Caroline" (appartenant à Francois-Xavier LE BLANC, aussi miquelonnais, demeurant aussi au Pouliguen et encore en pêche) avaient été emportés à la mer. Plusieurs hommes du bord ont déclaré avoir été jetés hors du navire et remis à bord par le renvoi de la lame. Deux bonnettes, huit barriques d'eau, plusieurs barils de galères, toute la batterie de cuisine, l'octant de l'officier de quart et le renard, (*) tout a été enlevé; plusieurs hommes ont été blessés par le même coup de mer". Théodore Sire, Andrieux (16)

Note: Le navire est sur le retour vers la France, quittant Terre-Neuve, se trouvant à hauteur de Bonasvista, et au tiers de sa route. Cette position indique qu'il ne venait pas de St Pierre et Miquelon mais du haut de Terre-Neuve, plus vraisembla- blement de Havre au Croc, côte Est, là où le navire à l'habitude de s'y rendre. Théodore Sire, était né le 16 juillet 1791 à Saint Pierre ( et Miquelon ) , fils de Pierre et Anne Leblanc. Il avait alors 27 ans.. (*) Le Renard est un instrument de navigation, destiné à aider au calcul de la route suivie en fonction des vents. Il s'agit d'un plateau de bois circulaire d'un peu plus d'un pied ( il faisait environ 35 à 40 cm) de diamètre sur lequel est dessiné une rose des vents. Chacune des 16 branches de l'étoile est séparée médianement par une ligne partant du centre et aboutissant à la pointe de la branche. Sur cette ligne médiane, divisée en trois, le tiers central est encore divisé de 8 trous de petit diamètre permettant d'y insérer de petits "picots" ou axes en bois. Chaque demiheure (mesurée au sablier) un picot ( que l'on appelait une "poule" ) était inséré dans un trou. Les 8 " poules ", rangées sur une petite excroissance dépassant du plateau (et servant aussi de poignée) donnaient une moyenne, pendant le quart de 4 heures, sur la route suivie, en fonction des vents. La vitesse du navire était bien sûr en outre mesurée au loch ou au bateau de loch, c'est a dire un cordage, repéré par des noeuds distancés précisément, auquel se trouvait attaché et mis en mer un triangle de bois, attaché aux trois pointes.

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Article paru dans "Les Voiles Blanches" Bulletin n° 62 de 1998
Auteur : Michel Poirier
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