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L'EMIGRATION FRANCAISE VERS LA LOUISIANE DE 1698 à 1754

Marie Claude Guibert, Gabriel Debien et Claude Martin ont étudié cette emigration d'après les notariales des ports atlantiques. Ils distinguent trois phases :

Phases
1 - Avant CROZAT
2 - Antoine CROZAT
3 - La Cie de l'Occident
INDEX
Ananlyse
4 - Les concessions
   5 - En dehors des Compagnies.
6 - Divers
7 - Aspect général

2 - Antoine CROZAT (1715-1717)

Par lettres patentes du 12 septembre 1712, le roi de France concéda à la Compagnie de Louisiane, dirigée par Antoine Crozat, marquis du Châtel (1655-1738), le privilège du commerce exclusif «dans tout le pays situé entre le Nouveau-Mexique et la Caroline et qu'arrosent le Mississipi et ses affluents», c'est-à-dire la Louisiane. Jusqu'à ce moment, le roi avait toujours refusé l'introduction de Noirs en Louisiane. Mais Crozat obtint le privilège de faire venir chaque année un bateau de Noirs, ainsi que le monopole de la traite pour le compte des Espagnols. À l'été 1717, Antoine Crozat fut persuadé, en bon homme d'affaires, que la Louisiane ne constituerait jamais pour lui une entreprise rentable; il restitua à la Couronne de France les privilèges qu'elle lui avait accordés cinq ans plus tôt.
LECLERC, Jacques, "Hisoire linguistique de la Louisiane" dans l'améngement linguistique dans le monde, Québec, TLFQ, Université de Laval, 30 avril 2004

Après 1700, il y eut une pause. Il faut attendre 1715 pour voir s'engager de nouveaux émigrants. Francis Charles Legrand de Luce, de Paris, 18 ans, s'embarque en 1715 sur La Dauphine.
En février commence le recrutement pour Antoine Crozat et pour la Compagnie de la Louisiane. Le roi, par ses lettres patentes du 14 septembre 1712 a pour 15 ans accordé à ce financier le monopole de l'exploitaition de la Louisiane. Toutes les terres qu'il ferait défricher lui étaient données à perpétuité, mais il avait à armer deux navires par an pour la colonie et il avait à envoyer dix garçons ou filles.
C'est d'abord monsieur de Ranyon, un des directeurs de la Compagnie, logé à l'auberge du Pavillon, sur la paroisse de Saint-Nicolas, tout près du port de Nantes, qui recherche des hommes, il en lève 6, puis 3, tous par devant Vilaine à 60 livres pour leurs 3 années :
Le 8 février 1715:
- Gabriel Francon, dit Marcheterre, de la paroisse St-Paul de Lyon, 21 ans, bonnetier, fils de Noël, maître-ouvrier en soie et de Benoite Boiston, de poil chatain obscur et de 5 pieds 4 pouces.
- Gervais Le Cau, dit La Grandeur, de Vitré, évêché de Rennes, Ille-et-Vilaine, 40 ans, scieur de long, fils de Pierre, faiseur de chaux et de Gilonne Le Tourneur, "de poil chatain clair", 5 pieds 4 pouces.
- Jean Ferdinan, de Paris, paroisse St Sulpice, de poil chatain clair, de 4 pieds 1/2, qui est à la place de René Chesnier, dit Manceau, fils de Sébastien, cordonnier et de Renée Guy, qui était du Mans.
- Bertrand Pichoret, dit La Faveur, de Paris, paroisse N. D. des Champs, 36 ans,fis de Denis, tondeur, et de Marie Lever ; poil obscur, 4 pieds, 8 pouces.
- Denis Maillot, dit Champagne, de Paris, paroisse St Sulpice, 20 ans, cordonnier, fils de Pierre, aussi cordonnier, et de Marie-Philippe Chauvet, poil chatain, 4 pieds, 8 pouces.
- François de Courgues, d'Oloron en Béarn, 20 ans, blanconnier (manière de ferblantier), de poil chatain clair, 4 pieds, 8 pouces, qui est à la place de Jacques d'Amboise dit St-Jacques, de Paris, paroisse Sainte-Croix en Grève, fils de Jacques et de Marianne Boudot.
Le 22 février 1715, aux mêmes conditions :
- René de Tallay, de la paroisse St Pierre le Pilier, de Tours, 19 ans, cordonnier.
- Pierre Rondeau, de Brest, paroisse des Septs Saints, 18 ans, perruquet.
- René du Méry, de Vitré, paroisse N. D. , tessier, fils de René.
Tous furent embarqués sur la Flûte La Dauphine que Crozat avait acheté en Hollande et qui fit voile vers la Louisiane en mars ou avril, et y arriva au mois d'août. A cette date, Duclos, le premier ordonnateur de la Louisiane, établit, par un dénombrement, que la colonie était de 215 personnes : officiers, soldats, matelots, ouvriers, interprètes, chirurgiens et missionnaires, la troupe comptant pour 160.
De tous ces hommes, le salaire était bas. On leur avait promis 60 livres tournois à recevoir à la fin de leur 3 années de service, ce qui était loin de payer leur retour en France. Mais il ne semble pas que l'on ait beaucoup compté sur cette possibilité. Quelque soit leur métier ou leur savoir-faire, leurs gages sont uniformes et comparables à ceux des engagés pour les îles. on a traduit vaille que vaille en argent les 300 livres de sucre brut ou de tabac torqué que l'on donnait aux plus pauvres "trente-six mois".
Remarquons l'origine urbaine de ces 9 hommes : 3 sont de Paris, 2 de Vitré, 1 de Tours, 1 de Lyon, 1 de Brest. Le fait que 4 d'entr'eux portent des surnoms rappellent des coutumes militaires, et ce n'est pas l'âge de 40 ou de 36 ans de deux d'entr'eux qui empêche de faire penser à d'anciens soldats.
Cette année-là Elie Japie, le capitaine de La Paix, de 130 tonneaux lève des hommes à La Rochelle. Dans les actes d'engagement rien n'indique pour qui sont ces hommes. Mais quelques jours plus tard, Antoine Crozat, propriétaire de La Paix, capitaine E. Japie, fait recruter l'équipage de ce navire.
Le 16 novembre 1716 : (A. D. Charente-Maritime, minutes Soulard, registre F° 120 Ve)
- Pierre Ollineau, de Chaillé en Poitou, 19 ans, maréchal.
- Pierre Durant, de Vouillé en Poitou, 18ans, boucher.
- François Morteau, de Cerné près Loudun, 20 ans.
- Jean Roussin, de Mantrais en Aunis, 18 ans, maçon.
- Léonard Augereau, de Moutier en Augoumois, 18 ans, garçon de service.
- Jean Travers, de Chizé en Poitou, 18 ans, laboureur.
On n'a pas cherché bien loin ces engagés si on ne les a pas trouvé sur place. sont du Poitou, 1 de l'Aunis, 1 de l'Angoumois. Ils sont jeunes, 18 à 20 ans. Tous sont soumis "aux conditions des îles", c'est-à-dire pour l'entretien, l'habillement, la nourriture, ils seront traités comme les derniers de ceux qui s'en vont pour les Antilles : 3 ans de service et l'équivalent de 300 livres de sucre brut ou de tabac.
A Paul Depont, sieur des Granges de Vilson, représentant de Crozat et de la Compagnie de la Louisiane à La Rochelle :
Le 12 novembre 1716 : (A. D. Charente-Maritime, minutes Soulard) :
- Raphaël Péreau, d'Arvers, arrondissement de La Tremblade, Charente-Maritime, 30 ans, premier pilote. 40 l par mois. Signe.
- Pierre Jadeau, de Chaillevette, arrondissement de La Tremblade, Charente-Maritime, 28 ans, premier charpentier, 40 l. Signe.
- François Jadeau, de Chaillevette, arrondissement de La Tremblade, Charente-Maritime, 23 ans,
- Pierre Lardé, de Chaillevette, arrondissement de La Tremblade, Charente-Maritime, 23 ans, matelot, 20 l
- Jean Roy, d'Arvers, arrondissement de La Tremblade, Charente-Maritime, 20 ans, matelot, 20 l
- Jean Candé, d'Arvers, arrondissement de La Tremblade, Charente-Maritime, 20 ans, matelot, 20 l
- Jacques Escuber, de l'ile d'Arvers, arrondissement de La Tremblade, Charente-Maritime, 19 ans, matelot, 17 l
- Jacques Croissant de l'ile d'Oléron, Charente-Maritime, 44 ans, matelot, 24 l. Signe.
- Pierre Migne, de l'ile d'Oléron, Charente-Maritime, 40 ans, matelot. 24 l.
- Jacques Maillet, de Saint-Martin-de-Ré, Charente-Maritime, 35 ans. matelot, 21 l.
- Guillaume Forgeret, d'Arvers, arrondissement de La Tremblade, Charente-Maritime, matelot. 22 l.
Leur enrolement est pour 2 ans. Ils reçoivent 3 mois d'avances. Ce sont là les conditions très ordinaires de levée des matelots. Si nous avons cru pouvoir plécer ici les noms de ces matelots, c'est que très probablement certains d'entr'eux restèrent à la Louisiane.

Toujours à La Rochelle et pour Crozat, à Paul Dupont :
Le 2 aout 1717 : (A. D. Charente-Maritime, minutes Desbarres, registre 1716-1718 F° 171 et suivants).
- Nicolas Jen, de Paris, paroisse St Paul, 20 ans, garçon tailleur. 300 l par an.
Le 3 aout 1717 :
- Jean Costier, de Bourneuf en Aunis, Charente-Maritime, 20 ans, doleur tonnelier. 350 l. Signe.
Le 10 aout 1717 :
- Joseph Duqueron, de Questembert, évêché de Vannes, garçon tonnelier. 300 l. Signe.
Ils travailleront de leur profession, car les salaires qu'on leur donne disent que l'on a voulu des professionnels que l'on a pas hésité à recruter au prix fort ; mais il n'y a aucun doute que ces conditions seront soumises aux circonstances. Leur retour en France est assuré. Ils seront logés et nourris à pain et vin de France, mais on ne parle pas de viande.
La Dauphine revenue de la Louisiane au début de 1717 est aussitôt réarmée pour aller au plus tôt porter une aide à la colonie. Elle repart en septembre, sous le commandement d'Arnaudin.
Le 22 aout 1717 : il engage : (on ne sait s'il recrute pour lui ou pour Crozat).
- Guillaume-Bernardin Delpit, natif de Bruxelles en Flandre, agé de 20 ans "qui ira à la Louisiane au fort du Mississipi", pour 3 ans, il sera nourri, logé, entretenu d'habits. Son passage d'aller lui étant seul payé. A la fin de son service, il aura 300 livres de sucre "au prix de la Cote de St-Domingue", soit 25 livres tournois environ.
- Le sieur Arnauld Bonneau, écrivain sur La Dauphine, pour 3ans.
Le 26 aout 1717 :
- Pierre Lehoux, 17 ans, du consentement de son père Pierre Lehoux, employé dans les fermes du roi à La Rochelle et de Marie Riverin, son épouse, de lui autorisée. Bonneau lui enseignera la profession d'écrivain. Lehoux sera nourri, logé, couché et vêtu et aura 60 livres payables à la fin de son service. Il signe.
Le même écrivain, en association avec Pierre Berrard, chirurgien, major sur La Daphine pour la Compagnie royale de la Louisiane, engage :
Le 24 septembre 1717 :
- Marie David, demeurant à La Rochelle, mais native de St-Denis d'Oléron Charente-Maritime, 26 ans, fille de feu Michel, marinier et de Jeanne Birot sa femme, présente et qui y consent. Elle part pour 3 ans et sera logée et nourrie. Ses gages sont de 60 livres. Une avance d'un an lui est consentie. Elle ne sera pas rapatriée. Elle ne pourra pas s'établir en Louisiane (c'est-à-dire s'y marier) au cours de son contrat sans le consentement de ses maîtres. Elle sera la servante particulière de Bonnau et de Berrard, et non au service de la Compagnie.
Pierre Arnaudin, cette fois pour la Compagnie de la Louisiane :
Le 30 aout 1717 : a 300 livres de sucre en tout :
- François Villeger, de Poitiers, 17 ans, garçon de service.
- François Vallet, du Puits N.D. dans le Poitou, (canton de Montreuil-Bellay, dans le Maine-et-Laoire) 18 ans, garçon de service.
- Antoine Foussé, du Dorat en Limousin, 19 ans, garçon de service.
- Michel Bar, du Quesnoy en Hainault, 19 ans, garçon cordonnier.

Le 6 septembre 1717 :
- Antoine Chevallier, du Dorat en Poitou, 19 ans, perruqier. Signe.

Le 9 septembre 1717 :
- Jean-Maximilien Dubust, de Tonnay (sans doute Tonnay-Charente), Charaente Maritime, 18 ans, tailleur d'habits
Tous sont de pauvres bougres, acceptant les conditions misérables "de la cote", 300 livres de sucre pour 3 ans.
Le 19 septembre 1717 : à La Rochelle, 2 charpentiers de gros-oeuvres à Crozat :
- Pierre Pinos, de La Rochelle, 25 ans
- Gabriel Baud, de La Rochelle, 33 ans. Signe.
Ils seront nourris à pain et vin de France, ne travaillant 3 ans que de leur profession à 450 livres par an. Si à la fin Pinos veut revenir en France, ses gages lui seront continués "jusques à son arrivée dans l'un des ports de France", de façon que l'on puisse profiter de ses services durant la traversée
Le 14 octobre 1717 :
- Charles Viladon, de La Rochelle, 21 ans, boulanger et tailleur d'habits. A travailler de ses professions, il n'aura que 200 l par an. Signe.
Bien qu'il ne s'agisse pas là de futurs colons, nous présenterons ici les marins du brigantin le Neptune, de 60 tonneaux, capitaine Jean Béranger et du brigantin La Vigilante, même tonnage, capitaine Jean Cathelineau. Ces 2 navires appareilleront pour la Louisiane le 25 octobre avec la Dauphine. C'est Paul Depont, qui dirige ce recrutement, mais Raujon, un des directeurs de la Compagnie a donné des ordres.
Le Neptune et La Vigilante iront "naviguer sur la rivière de la Louisiane et autres endroits". Ces équipages sont levés pour 2 ans :
Pour le Neptune : Le 18 septembre 1717
- Jean Béranger, de La Rochelle, 43 ans, capitaine. 75 l par mois.
- Pierre Depay, de La Tramblade, 36 ans, pilote. 55 l.
- Désaroy, de Loziers (Lozay) Charente-Maritime.26 ans, pilote. 26 l.
- Jean Baudet, de Nantes, 40 ans. 18 l.
- Etienne Merceron, de l'Ile de Ré, 26 ans, matelot. 18 l.
- Jean Glaizeau, de l'Ile de Ré, 26 ans, matelot. 18 l.
- Jean Chevillon, de l'Ile de Ré, 24 ans, matelot. 18 l.
- Pierre Tallon, 25 ans, de l'Ile de Ré, matelot. 18 l.
- Jean Périsson, 24 ans,de l'Ile de Ré, matelot. 18 l.
- Guillaume Bonneau, 20 ans, de l'Ile de Ré, matelot. 18 l.
- Pierrre Imbert, de La Rochelle, 18 ans, coq. 18 l.
- Pierre Dupuy, de La Tremblade, 16 ans, mousse.5 l.
- Pierre Fillon, de Rochefort, 21 ans, charpentier. 24 l.

Pour La Vigilante, le même jour :
- Jean Cathelineau, de Marennes, Charente-Maritime, 49 ans, capitaine. 75 l. Signe.
- Etienne Montjou, de La Tremblade, 43 ans, valet et matelot, 55 l.
- Mathurin Micou, de La Tremblade, 36 ans, valet et matelot, 55 l.
- François Masson, de L'Ile de Ré, 24 ans, matelot, 25 l
- Jean Mirier, de La Rochelle, 24 ans, matelot, 17 l.
- Pierre Burcaud, de La Rochelle, 23 ans, matelot, 17 l.
- Jean Chenez, de St-Jean-de-Luz, 35 ans, matelot, 18 l.
- Roger Noël, de Calais, 19ans, matelot, 18 l.
- Jean Deslie, de La Flotte (Ile de Ré), 20 ans, matelot, 18 l.
- René Bergeau, de La Rochelle, 18 ans, mousse, 10 l.
- Thomas Cattelineau, de Marennes, 15 ans, mousse, 8 l.
- René Poussard, de Marennes, 27 ans, 2e pilote, 19 l.
Quelques jours plus tôt, le 2 septembre, le capitaine du Neptune, Jean Berenger, avait embauché pour son compte
- Antoine Berton, de Littré en Poitou, 20 ans, tailleur d'habits
- Gabriel Avrilleau, de St-Martin-de-Ré, 18 ans, garçon de service.

Et le capitaine de la Vigilante, Jean Cathelineau, avait embauché pour son compte :
- André Poitevin, de Chalonnes en Anjou, 19 ans.
Le 13 septembre 1717 :
- François Philippe Dupré, de Milly près Paris, 19 ans, ciergier et chandelier. Signe.
Ils partent tous aux gages uniformes de 300 livres de sucre, payées à la fin. Il y a donc un contraste très grand entre les conditions offertes par Crozat et celles des capitaines de navire, qui ne sont pas entrepreneurs de colonisation, mais seulement des spéculateurs, des intermédiaires qui, à leur arrivée, cèderont ces "trente-six mois" au colon le plus offrant.

3 - La Compagnie de l'Occident (1718-1719)